I. HISTORIQUE

La notion de taiji et ses représentations ont une longue évolution au cours de son histoire.
Le terme Taiji apparaît pour la 1ère fois dans le Yi Jing (livre des mutations) au VIᵉ siècle avant notre ère.
Ce terme est peu utilisé avant l’ère chrétienne : Le mot Taiji apparaît une fois  dans  le Zhuangzi IVè siècle avant J.C.

Figure 1

Les représentations du Taiji

On trouve ainsi plusieurs représentations qui s’enrichissent ou se complètent au fil du temps : Les représentations sont associées avec le cercle vide représentant Wuji, le sans faîte d’où tout provient et où tout retourne.

1ère Représentation : 

VIII è siècle : demi-cercles alternés, non imbriqués, non spiralés  (fig 1)

Il fait partie d’un dessin plus complet dit « du ciel antérieur », tiré d’un ouvrage taoïste du VIIIè siècle : le Shangfang dadong zhenyuan et transmis depuis le premier siècle de notre ère par Heshang Gong* des Han.

2. dessin de Zhou Dunyi (1017-1073)

Représentation par des demi-cercles alternés noirs et blancs Représentant  yin et yang

Ce dessin traduit mieux le fait que yin et yang sont de même nature et ne sont pas séparés. (Fig 2)

3. Représentation spiralée de Lu Qianxu et Lai Zhide (1520 -1600).
Progrès encore puisque cette fois la représentation est spiralée.
Cette représentation met l’accent sur le côté dynamique du yin et du yang
et leur interaction.
Cette représentation est nommé Ho Tou (Fig 3)

4. Représentation « classique » du Tai Ji (fig. 4)

Parmi toutes les représentations du Tai Ji, la plus populaire aujourd’hui est celle-ci : 
Les deux parties sont de couleurs complémentaires, noir et blanc ou même rouge et noire à l’origine.
Un point sombre dans la partie claire rappelle qu’au sein du Yang il  y a du Yin et réciproquement. (Fig 4 et 5)
Ces premières représentations dateraient du XII/XIII siècle.
Nous allons étudier plus en détails ces deux dernières représentations.

Figure 2

Figure 3

Figure 4

Figure 5

II. DONNER DU SENS AUX REPRESENTATIONS DU TAI JI

1. Le Ho Tou (Fig. 3)
Selon J.A. Lavier Ho Tou signifie même si c’est réducteur pour lui : « courant créateur et manifestation »
Sa représentation nous indique la variation, inverse l’une de l’autre en proportion du yin et du yang, si on imagine un rayon tournant sur cette figure avec comme jalons en bas le maximum de yin avec naissance simultanée du yang et en haut l’inverse.
Entre ces 2 positions extrêmes on peut évaluer facilement l’évolution des proportions Yin/yang.
Dans le symbole classique du Tai Ji (cf. fig 4) on retrouve une lecture similaire mais cette fois avec une sécante horizontale se déplaçant de bas en haut ou de haut en bas qui permet d’évaluer à chaque moment les proportions de yin et de yang.
D’autre part le symbole du Ho Tou rend compte de l’ensemble de la manifestation par rapport à Wu (le
vide), c’est à dire du limité par rapport. au sans limite J. A. Lavier.
En effet dans ce schéma yin et yang sont représentés par des spirales qui partent toutes les deux d’un centre vide (Wu), de l’infini et y retournent (extérieur du grand cercle). Nous préciserons cette notion de vide. Nous y reviendrons plus loin.

2. Symbole du Tai Ji (fig. 4 & 5)
Peindre le symbole yin/yang
Le mode rituel selon lequel le peintre doit représenter ce symbole nous renseigne beaucoup sur sa signification profonde :
« Disposant d’un cercle de bois, il le couvre totalement de couleur noire, signifiant ainsi que préalable à tout évènement, énergie ou forme, existe un espace vide, immobile, obscur, totalement accueillant et condition « sine qua non » de toute manifestation, à la façon d’une mère ou matrice universelle. »
….
Le peintre a ainsi représenté la toile de fond préalable à toute apparition-disparition…
Puis, en partant du point le plus bas du cercle représentant le lieu le plus yin du cercle noir, il trace en rouge la partie yang en remontant sur la gauche du cercle et en élargissant la surface couverte en rouge.
Il laisse cependant un petit cercle noir en creux en haut et trace un petit cercle rouge en relief en bas sur la partie restée noire. (d’après JM Eyssalet, les 5 chemins du clair et d l’obscur)
Que nous dit cette représentation et sa façon de l’exécuter ?
– le yin est toujours présent sous le yang
– Le Yin-Yang est un tout, ils ne peuvent être séparés, l’un n’existe pas sans l’autre
Comme le côté convexe d’une surface ne peut exister sans son côté oncave.
– Le Yin-yang est une dynamique :
En imaginant une sécante horizontale on observe :
. Plus le yang augmente en surface plus le yin diminue
. Réciproquement plus la partie yang augmente plus la partie yin visible diminue
. Arrivés à leur maximum Yin et Yang se transforment l’un en l’autre.
. Il n’y a jamais disparition complète du yin ou du yang puisque chacun a son maximum renferme en
germe son complément sous la forme des petits cercles.

– Si on regarde ce diagramme comme deux « poissons » qui se suivent dans un cercle, on en déduit que
les temps ou périodes yin et yang se suivent : par exemple le repos suit le mouvement et le
mouvement suit le repos
Pour notre pratique des arts internes,
Cette façon de tracer le symbole yin-yang est intéressante.
En effet dans notre forme de Taichi nous apprenons que chaque mouvement a une dominante soit yin,
soit yang avec ses caractéristiques propres :
Un mouvement yin : physiquement descend, recule, s’ouvre en cercle, mentalement absorbe l’énergie.
Un mouvement yang : physiquement avance, monte, s’allonge en ellipse, mentalement envoie l’énergie.
De plus nous trouvons en toile de fond de chaque mouvement un relâchement représenté par la couleur
noire qui reste constante que le mouvement soit de nature yin ou yang.
Chaque mouvement yin est suivi d’un mouvement yang
Dans le Yi jing nous trouvons la fameuse phrase :
« Yi yin yi yang  zhi wei dao »
un yin un yang voilà le dao
Cela concerne la succession dans l’espace mais aussi dans le temps
Le passage entre deux mouvements du yin au yang ou du yang au yin, il y a transformation, mutation.
Ce sont deux moments particulièrement intéressants où il faut redoubler de Yi pour ne pas perdre le « fil », pour ne pas avoir un moment d’interruption dans notre présence.
En résumé les deux symboles du Ho Tou et du Tai Ji sont proches mais s’enrichissent l’un l’autre.
Le Hotou nous relie à l’univers, au vide médian.
Le Taiji nous montre « le principe cyclique de l’homme entre Ciel et Sol ». (J.A. Lavier )
Le symbole du Taiji rend compte « seulement » du cycle de l’homme entre Sol et Ciel ce qui est plus réducteur
mais précise d’autre part que chaque polarité a en son maximum le germe de l’autre.